Forfais jour et Droit de Grève !

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La Cour de cassation a depuis longtemps jugé que l’exercice du droit de grève ne peut donner lieu qu’à une retenue sur salaire proportionnelle à l’arrêt de travail (Cass. soc., 8 juillet 1992, n°89-42563). Mais qu’en était-il des cadres rémunérés au forfait-jours si leurs absences, pour grève par exemple, étaient inférieures à une journée ou une demi-journée de travail? La Cour vient enfin de donner une solution (Cass. soc., 13 novembre 2008, n°06-44608): la retenue sur salaire est aussi proportionnelle pour les cadres et les salariés au forfait-jours.

Exercice du droit de grève:

Le droit de grève est reconnu et garanti par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 à tous les salariés. L’article L 2511-1 du code du travail dispose que l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, ne peut donner lieu à des mesures discriminatoires et ne peut justifier un licenciement, sauf faute lourde du salarié. L’exercice du droit de grève entraîne seulement, pour le salarié, la perte de sa contrepartie salariale, au prorata de son temps d’absence. Dans la pratique on lui retire une partie de son salaire.

Problème posé par les forfaits-jours:

Cependant, pour les cadres au forfait-jours, on ne savait pas comment calculer la retenue. Le forfait-jours consiste à décompter le temps de travail en journées ou en demi-journées de travail mais plus en heures. Les dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire et aux durées quotidienne et hebdomadaire maximales ne peuvent pas être appliquées aux cadres au forfait-jours.

Décision de la Cour de cassation:

C’est pourquoi la Cour de cassation s’est décidé à intervenir, mettant ainsi fin aux incertitudes. Au visa de l’ancien article L 3121-45 du code du travail, l’accord instituant la convention de forfait-jours devait prévoir «les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées et des demi-journées de repos». Mais comment faire quand l’absence est inférieure à une demi-journée ou une journée? En l’espèce l’employeur avait décidé de cumuler les absences successives d’un cadre au forfait-jours jusqu’à ce qu’elles atteignent l’équivalence de la journée ou de la demi-journée et, par référence à l’horaire collectif en vigueur dans l’entreprise, il estimait la demi-journée de travail égale à 3 heures 90. La Cour ne va pas suivre ce mode de raisonnement et va donner une méthode de calcul applicable en toutes circonstances.

Elle rappelle avant toutes choses les principes applicables en l’espèce: principe de non-discrimination, principe de proportionnalité et principe d’égalité. Elle juge qu’en l’absence de dispositions de l’accord collectif, «la retenue opérée résulte de la durée de l’absence et de la détermination, à partir du salaire mensuel ou annuel, d’un salaire horaire tenant compte du nombre de jours travaillés prévus par la convention de forfait et prenant pour base, soit la durée légale du travail si la durée du travail applicable dans l’entreprise aux cadres soumis à l’horaire collectif lui est inférieure, soit la durée du travail applicable à ces cadres si elle est supérieure à la durée légale». La Cour s’est inspirée des règles applicables pour la détermination du montant de l’allocation de formation des salariés au forfait-jours (article D 6321-7 du code du travail).

La Cour laisse cependant une place prioritaire à la négociation. Les partenaires sociaux sont libres de prévoir eux-mêmes une autre solution applicable dans le cadre de l’accord collectif nécessaire pour instaurer la convention de forfait-jours. Dans cette hypothèse, ils doivent eux aussi respecter des principes de non-discrimination, de proportionnalité et d’égalité.

Exemple de calcul:

Le calcul de l’allocation de formation des salariés au forfait-jours se fait de cette façon:

151,67 heures X (nombre de jours de la convention institutionnelle de forfait / 217 jours) X 12 mois.

On applique cette formule à notre cas. Ainsi, si un cadre gagne 52 000 euros par an pour un forfait de 214 jours dans une entreprise qui pratique les 35 heures, le calcul est:

151,67 X 214/217 X 12 = 1795 heures annuelles et 52 000 / 1 795 = 28,97 euros de l’heure.

On multiplie ensuite ce taux horaire par le nombre d’heures d’absence pour obtenir le montant à déduire du salaire.